Les élections européennes du 9 juin 2024 ont tout pour nourrir un débat démocratique riche et pour attirer les électeurs aux urnes. Jamais, depuis les premières élections du Parlement européen au suffrage universel direct en 1979, ce dernier n’a eu autant de pouvoir au sein des institutions européennes, jamais l’Union européenne n’a été aussi active que lors de la dernière crise sanitaire du Covid 19 et de la crise économique et financière qui a suivi, enfin jamais la guerre d’Ukraine aux confins des frontières de l’Union européenne n’avait autant interpellé l’Europe et l’avait engagée, aux côtés de l’OTAN, dans un effort important d’armement et d’aide à la nation ukrainienne. Et pourtant, le débat au fond a du mal à se nouer et de nombreux courants politiques se contentent d’un échange stéréotypé où les enjeux décisifs de la période et de l’avenir de l’Europe ne sont pas posés. Enfin, nombre d’électeurs semblent peu intéressés ou attirés par des questions uniquement nationales. A quelques jours de l’échéance du 9 juin, à quel type de participation électorale pouvons-nous nous attendre ?
Les élections européennes du 9 juin seront-elles l’occasion d’un sursaut de participation comme l’avaient été les élections de 2019 ou reprendront-elles le cours de la hausse inéluctable d’abstentions qui avaient marqué les élections européennes précédentes ? En termes d’enjeux, la nationalisation l’emportera-t-elle de manière irrésistible sur l’européanisation ? La règle des « élections de second ordre » ou des « élections intermédiaires » l’emportera-t-elle sur le processus d’institutionnalisation d’élections européennes qui en sont à leur dixième manifestation ? Quelle sera l’ampleur de la sanction électorale adressée aux forces de la majorité présidentielle dans une consultation nationale qui sera la dernière avant l’élection présidentielle de 2027 ? Le temps fort qu’a constitué le discours sur l’Europe du Président Macron, le 24 avril dernier, parviendra-t-il à atténuer la sanction nationale au profit d’un rassemblement européen ? Sur la gauche de l’échiquier politique, la question européenne a fait éclater le semblant d’union de la gauche que constituait la NUPES et a déclenché une véritable « guerre des gauches » pour se partager le marché relativement étroit qui reste à la gauche dans la France d’aujourd’hui.
Comme cela avait déjà été le cas au début des années 1970, l’avenir de la gauche socialiste française réside-t-il dans les mains d’un outsider, en l’occurrence Raphaël Glucksmann ? Dans quelle mesure le destin d’un homme peut-il servir à reconstruire un courant politique très affaibli ? La campagne étrange de LFI davantage consacrée à la cause palestinienne qu’à la cause européenne contribuera-t-elle à marginaliser la gauche de la gauche ou lui donnera-t-elle la gestion d’une niche contestataire largement enracinée dans un électorat confessionnel ? Enfin, sur la droite de l’échiquier politique, la droite extrême du RN et de ses épigones a-elle réduit de manière durable la droite classique à une peau de chagrin ? La dynamique forte qu’a connu la liste emmenée par Jordan Bardella, si elle se confirme, traduit-elle un malaise français ou plus largement n’est-elle que l’écho d’un national-populisme plus vaste qui se nourrit de déceptions et frustrations de nos sociétés ouvertes ? Avec la participation de : - Jean-Louis BOURLANGES, Président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale - Pascal PERRINEAU, Professeur émérite au CEVIPOF Sciences Po - Marion VAN RENTERGHEM, Journaliste indépendante et auteur du Piège Nord Stream (Arènes, 2023) - Anne MUXEL, Directrice de recherche émérite au CNRS et directrice déléguée du CEVIPOF