Cinquante ans après Mai 68, Frank Georgi, maître de conférences HDR à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne, publie L’autogestion en chantier. Les gauches françaises et le « modèle » yougoslave (1948-1981) (éditions Arbre bleu, 2018), un ouvrage soutenu par la Fondation Jean-Jaurès et qui se propose de revenir sur l’une des utopies les plus emblématiques du printemps des barricades : l’autogestion. Il en débat avec Matthieu Tracol, docteur en histoire. Pendant plus d’une décennie, le mot « autogestion », longtemps cantonné aux marges, s’installe au cœur des débats de la gauche française.
Il s’invite dans les programmes des partis et des syndicats, nourrit les réflexions et les rêves d’un socialisme différent, fondé sur la démocratie intégrale, depuis l’entreprise jusqu’à la société tout entière. Il semble prendre corps à travers la grève des ouvriers de Lip en 1973, avant que l’engouement ne retombe à la veille de l’élection de François Mitterrand en mai 1981. Depuis quelques années, l’idée resurgit comme une réponse possible aux impasses du capitalisme contemporain. Frank Georgi, à partir d’une masse impressionnante d’archives inédites, de revues, d’ouvrages et de témoignages d’acteurs, reconstitue et explique cette fascination durable, parfois ambivalente et paradoxale, pour le « pays de l’autogestion », qui a touché nombre d’intellectuels et de chercheurs, de syndicalistes et de militants politiques, des trotskystes et des libertaires aux chrétiens de gauche, de la SFIO au PSU et à la CFDT.