Si la « question des banlieues » est constituée depuis plus de trente ans comme un problème social, c’est tout autant parce qu’elle incarne la dimension spatiale des inégalités sociales que parce qu’elle évoque l’inscription des modes de vie et des identités culturelles sur le territoire urbain, et parce qu’elle interroge le principe d’égalité et de mixité des populations. Les quartiers réputés « sensibles » sont définis comme étant le réceptacle de la plupart des maux de la société française. En étant régulièrement le théâtre de violences diverses, ils symbolisent la concentration des phénomènes de l’exclusion et cristallisent les peurs face à l’insécurité. Par ailleurs, le « problème des banlieues » fait l’objet d’une intervention spécifique et volontariste des pouvoirs publics. Le principe d’une politique de la Ville consacrant l’introduction de mesures de « discrimination positive territoriale » s’est finalement imposé. La question acquiert au final une visibilité médiatique considérable, les émeutes de novembre 2005 suscitant une couverture exceptionnelle (dans le monde entier) et une quantité impressionnante et inégalée de commentaires, d’écrits et de colloques. Objet de débats incessants, ce phénomène engendre souvent une explosion discursive débordant largement les faits observables, si fait que parler de banlieue revient dans une large mesure à parler d’autres choses que d’elle-même. La société française a finalement fabriqué une catégorie générique des problèmes sociaux, qui s’impose à tous : les « quartiers ». Il y a une part de mythe, au sens de représentations collectives qui structurent la société.
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