Le 15 juillet, 2015
Mais nous savons qu’exiger de la Grèce un tel prix pour rester dans l’Euro change radicalement le contenu du projet européen : mise sous tutelle d’un parlement souverain par des instances non élues, maintien de la peine d’endettement perpétuel sans qu’une perspective de restructuration de la dette ne soit sérieusement envisagée …
Ces derniers jours, c’est un camp qui a voulu en vaincre un autre sur le terrain essentiel de la démocratie et du respect dû à chaque peuple. La brutalité des créanciers restera longtemps dans les mémoires…
Nous sommes solidaires de la démarche politique engagée par le gouvernement grec, et nous avons bien conscience que nous ne pouvons nous substituer aux Grecs eux-mêmes.
Nous savons aussi que la « feuille de route » imposée à Alexis Tzipras, en dépit de ses propositions et de sa démarche de réhabilitation de l’Etat, contient un ultimatum commandé par l’Eurogroupe aux grecs, et qu’il est faux de nommer accord. Le premier ministre grec lui-même d’ailleurs le qualifie de mauvais, reflète un rapport de force très inégal et de soutiens insuffisants, ces derniers jours ayant montré à la face du monde combien la France manquait d’appuis dans les discussions en cours.
Nous ne saurions entraver le courage des grecs et de son gouvernement et donc ne rejetterons pas ce qu’il a lui-même accepté, même contraint.
Mais nous ne saurions valider une pédagogie de la force, anti-démocratique et anti-européenne. Nous ne pouvons entériner le fait que le projet européen se résumerait désormais à l’équation suivante : sortir de l’euro ou accepter des logiques d’austérité économique et de violation démocratique qui sont, on le sait, en réalité mortifères pour l’Europe.
Si les positions au sein de l’Union européenne n’ont pas rendu possible aujourd’hui une autre issue pour la Grèce, il nous faut œuvrer à ce que d’autres chemins puissent se dessiner demain pour qu’à l’avenir, les positions défendues ces derniers jours par la France trouvent d’autres appuis.
C’est le sens de notre vote aujourd’hui sur l' »accord », que nous l’ayons approuvé ou non : signifier que les conditions imposées par l’Eurogroupe n’entraînent pas la fin de la tentative démocratique portée par Alexis Tzipras, mais bien le commencement d’un autre rapport de force européen ; constituer un utile relais à toutes celles et ceux qui, dans de nombreux pays, au-delà de l’Espagne et de la Grèce, aspirent à une autre perspective.
Enfin, à travers l’accord sur la Grèce, c’est clairement la question de la réorientation européenne qui est aujourd’hui posée. Si les peuples n’ont pas d’autres perpectives que des politiques punitives, nous devons nous reposer la question du sens et des objectifs de l’engagement européen. Une remise à plat est indispensable. C’’est elle qu’il faut exiger désormais.
Que reste-t-il de notre ambition d’une Europe démocratique, sociale et indépendante ?
Notre Europe n’est pas celle que nous voyons voir venir demander l’impossible remboursement d’une dette qui étouffe, après des années passées à sacrifier les emplois et l’industrie.
Notre Europe n’est pas celle des égoïsmes intransigeants de quelques-uns. Notre Europe n’est pas celle qui favorise la montée du Front National en France ou de l’Aube dorée en Grèce, par la poursuite d’une politique d’austérité absurde.
Le Président de la République a esquissé une piste : celle de la consolidation et de la démocratisation de la gouvernance de la zone euro. Nous sommes disponibles, toujours constructifs, pour contribuer à cette réorientation. Elle signifie un nouveau modèle de développement économique, une ambition écologique véritable et la reformulation de son projet politique aujourd’hui vampirisé par des dogmes et des traités injustes, hors de réel cadre démocratique.
C’est vers cet avenir pour l’Europe que nous devons aujourd’hui nous tourner.