Le 12 août 2024
Objet : Notre méthode et nos priorités pour la XVIIe législature
Madame la Députée, Monsieur le Député,
Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,
Plus d’un mois après le second tour des élections législatives, la France n’a toujours pas de gouvernement. Préoccupés par cet état de fait, et alors que les urgences demeurent nombreuses et la situation internationale alarmante, nous prenons l’initiative de vous écrire. Les 30 juin et 7 juillet derniers, appelés aux urnes, les Françaises et les Français se sont fortement mobilisés, donnant à la nouvelle Assemblée nationale une très forte légitimité et une centralité inédite. Le président de la République avait appelé à une forme de clarification. La voici.
De ces élections législatives anticipées décidées par le président de la République seul, nous croyons devoir collectivement tirer quelques leçons.
Les électeurs et électrices ont exprimé une très forte attente de changement sur le fond des politiques conduites depuis 2017. Ils ont dit leur demande de justice sociale et fiscale, de reconnaissance du travail, notamment sur le plan salarial, de soutien au pouvoir d’achat, de défense des services publics, afin de les rendre plus accessibles et de qualité, leur demande, enfin, de protection et de sécurité du quotidien.
Ils ont également exprimé une demande de changement des pratiques politiques et démocratiques, après des réformes qu’ils se sont vu imposer sans concertation, contre leur avis majoritaire et souvent avec une forme de brutalité institutionnelle. Ils aspirent à être mieux entendus et à une démocratie continue respectueuse des corps intermédiaires autant que des citoyens eux-mêmes.
Les électeurs et électrices ont également, à une très large majorité, refusé le projet de l’extrême droite, un projet régressif, qui trie et stigmatise les Français, à rebours de nos valeurs et de l’histoire de notre République. Ils ont fait barrage républicain contre le Rassemblement national et ses nouveaux alliés de circonstance. Nous ne devons jamais l’oublier.
Les électeurs et les électrices ont, enfin, placé le Nouveau Front Populaire en tête au second tour des élections législatives et en ont fait la première force politique à l’Assemblée nationale. C’est à ce titre qu’il est attendu du président de la République qu’il nomme un gouvernement de Front populaire. À charge pour ce dernier d’entendre les aspirations des Françaises et des Français et de faire vivre une Assemblée nationale certes fragmentée et sans majorité, mais surtout pluraliste. Le Parlement doit, plus que jamais, être au cœur de nos institutions et de notre vie démocratique. Faisons-en une chance.
Ce résultat nous oblige collectivement, et nous voudrions vous dire l’état d’esprit qui est le nôtre et le chemin qui nous paraît pouvoir être désormais suivi pour demeurer fidèle au résultat des élections législatives.
Le gouvernement du Nouveau Front Populaire qui serait ainsi nommé par le président de la République devrait, à notre sens, prendre en compte l’ensemble des implications de ce scrutin. Il devra en premier lieu tenir compte du fait que la majorité sur laquelle il s’appuie n’est que relative et qu’il lui sera dès lors nécessaire de convaincre au-delà des rangs du Nouveau Front Populaire pour construire des majorités parlementaires. Cette situation appellera sans nul doute une évolution de nos pratiques parlementaires et des relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif: mieux articuler les fonctions d’évaluation et de contrôle avec la fonction législative, envisager de répartir les responsabilités de rapporteurs entre les groupes républicains sur certains textes débattus, partager l’ordre du jour parlementaire - y compris le temps gouvernemental, ou encore élaborer les textes en amont avec les rapporteurs et chefs de file pressentis des commissions, avant même la transmission de l’avant-projet de loi au Conseil d’État.
Il devra, en second lieu, renouer le dialogue avec les corps intermédiaires et la société civile, en particulier avec les organisations syndicales et le monde associatif, qui doivent être partie prenante du renouveau des pratiques démocratiques, qui seul permettra de construire les majorités les plus larges, dans le pays comme au Parlement. Il devra considérer la République des territoires et ses 520 000 élus locaux, qui ont une connaissance intime des réalités quotidiennes des Français et sont les artisans de notre cohésion sociale. Cela nécessitera de renforcer les libertés locales dans l’esprit des lois de décentralisation, de renouveler la capacité d’agir et d’innover des collectivités de l’hexagone et des Outre-mer, pour accélérer la bifurcation écologique, porter des politiques de solidarité et défendre les services publics de proximité. Cela appellera de l'État local qu’il ait véritablement les moyens de les accompagner, dans le respect du principe d’égalité entre les territoires.
Nous nous portons garant de ce changement de pratique. Dès sa nomination, le gouvernement du Nouveau Front Populaire mènera des discussions approfondies et transparentes avec les groupes parlementaires républicains, avec les syndicats et la société civile organisées ainsi qu’avec les associations nationales d’élus, sur le budget pour 2025 d’une part, et sur un programme de travail gouvernemental pour les mois à venir d’autre part.
Sur le fond, nous vous proposerons que les deux assemblées travaillent sur le fondement de cinq grandes priorités pour la vie de nos concitoyennes et concitoyens, à partir desquelles seront déterminés ensemble les priorités budgétaires et le calendrier législatif :
- Améliorer le pouvoir d’achat et renforcer la justice sociale : augmenter les salaires, notamment le SMIC et les bas salaires, les minimas sociaux, abroger la réforme des retraites et redonner la main aux partenaires sociaux sur l’assurance chômage.
- Accélérer la bifurcation écologique de notre économie et soutenir les initiatives écologiques de proximité.
- Redresser l’Éducation nationale, renforcer l’égalité au sein de notre système éducatif pour garantir l’avenir de nos enfants.
- Accueillir à nouveau le service public de santé dans les territoires et garantir le bon fonctionnement de l'hôpital public.
- Rétablir une fiscalité juste qui permette de financer nos services publics, le pouvoir d’achat et la transition écologique tout en évitant de creuser la dette grâce à une hausse des ressources fiscales concentrée sur les foyers les plus aisés, les multinationales et la lutte renforcée contre la fraude et l’évasion fiscales.
Nous vous proposerons également de renouer avec les travaux parlementaires de la XVIe législature qui ont été interrompus par la dissolution et notamment avec certaines initiatives législatives, comme celles concernant la fin de vie, la protection de l'enfance, les familles monoparentales, l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé ou les violences sexuelles dans le milieu culturel. Sur l’ensemble des sujets, le Parlement et ses élus doivent jouer leur rôle de cœur battant de la démocratie.
Nous croyons fermement que les priorités ainsi débattues ensemble, le regain de place donnée au travail parlementaire, ainsi que le dialogue retrouvé avec les collectivités territoriales, les syndicats et les corps intermédiaires sont à même de réunir, au-delà de notre coalition, pour répondre aux besoins urgents du peuple. C'est aussi la mise en œuvre de cette méthode et de ces priorités qui permettra de montrer à nos concitoyens que leur vote a été compris et de restaurer la confiance dans nos institutions démocratiques.
Nous espérons partager avec vous la volonté d’apporter au pays les réponses qu’il attend et la stabilité qu’il espère. Dans cette perspective, nous nous tenons à votre disposition pour évoquer les propositions formulées dans ce courrier et, plus largement, de pouvoir échanger sur vos priorités dès la rentrée.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, l’expression de nos salutations distinguées.
Lucie Castets - Candidate du Nouveau Front Populaire au poste de Première ministre
André Chassaigne - Président du groupe Gauche Démocrate et Républicaine Assemblée nationale
Cyrielle Chatelain - Présidente du groupe Écologiste et Social Assemblée nationale
Mathilde Panot - Présidente du groupe La France Insoumise Nouveau Front Populaire Assemblée nationale
Boris Vallaud - Président du groupe Socialistes et apparentés Assemblée nationale