Redécouvrir le parcours et le travail accompli par Albert Thomas dans ses différentes fonctions, telle est l’ambition de la biographie qu’Adeline Blaszkiewicz-Maison, maîtresse de conférences en histoire contemporaine (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), lui consacre dans un ouvrage publié aux PUF en septembre 2024. Dans cet entretien avec Emmanuel Jousse, maître de conférences en histoire contemporaine (Sciences Po Lyon), l’engagement socialiste, la trajectoire intellectuelle et l’internationalisme d’Albert Thomas sont interrogés, pour finalement dresser le portrait de celui considéré très souvent comme le premier social-démocrate français.
Homme politique majeur de la IIIe République, Albert Thomas (1878 1932) est resté dans l’ombre de personnalités comme Jean Jaurès ou Léon Blum. Il faut dire que l’homme a des positions qui le placent en marge du mouvement socialiste, dont il se revendique pourtant jusqu’à son dernier souffle. Ouvertement réformiste quand le marxisme révolutionnaire s’impose dans la gauche française, ministre de l’Armement pendant la Première Guerre mondiale au moment où la gauche européenne renoue avec le pacifisme, il devient aux yeux des socialistes et des communistes le « ministre des Obus » et le fossoyeur de l’idéal de paix. Opposé à la Révolution russe de 1917, il défend un socialisme républicain, convaincu de l’importance de la voie législative et du dialogue social pour changer le monde. Premier directeur du Bureau international du travail, il est un ardent défenseur de la régulation du capitalisme par l’instauration d’un code du travail mondial. Appuyé sur des archives inédites et variées, l'ouvrage d'Adeline Blaszkiewicz-Maison retrace le parcours de ce précurseur de la social-démocratie à la française, et offre une plongée passionnante dans l’histoire de la IIIe République et dans celle des internationalismes du début du XXe siècle.