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CN DU PARTI SOCIALISTE 27 JANVIER 2018 Discours d’Emmanuel MAUREL L’union et l’espoir

Rien n’est perdu. Rien n’est perdu à condition de savoir d’où l’on vient. À condition de savoir qui l’on est. À condition de savoir ce que nous voulons.

Hors de la clarté point de salut ! On ne reconstruira rien sur les sables mouvants de l’ambiguïté. Le clair obscur c’est magnifique en peinture. En politique, surtout dans les périodes troublées, c’est inapproprié, voire incompréhensible.

De la clarté donc, et cela va de soi, de l’humilité.

La clarté dans la camaraderie, c’est, je crois, une condition indispensable à la réussite de ce Congrès. Condition nécessaire, mais non suffisante. Je crois que nous nous réconcilierons avec nous-mêmes, et que nous intéresserons peut-être les Français, si nous donnons le sentiment d’avoir un tant soit peu compris pourquoi nous en sommes arrivés là. Ce n’est pas joué d’avance, tant nous avons l’habitude, depuis quelques années, de préférer le déni ou l’esquive à l’exercice de la raison critique.

Ce que personne ne peut nier en revanche, c’est qu’il y a cinq ans nous avions tout, et qu’aujourd’hui nous flirtons avec la marginalité électorale. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Il y a bien sûr le quinquennat qui vient de s’écouler et qui, à bien des égards, nous a rendus profondément méconnaissables. Projet sur la Déchéance, loi Travail, Pacte de responsabilité : les nôtres ne nous ont pas reconnus. Et nous-mêmes, si j’en juge aux déclarations des uns et des autres aujourd’hui, avons eu du mal à nous reconnaître.

Il y a notre pratique du pouvoir qui, faute de s’émanciper de la pratique présidentialiste de nos institutions, a conduit à des incompréhensions, un dialogue de sourd, un dysfonctionnement général.

Il y a une campagne électorale marquée par le spectacle navrant des trahisons, puis, aux législatives, par une effarante confusion.

Il y a enfin la crise structurelle de la social-démocratie européenne, qui confrontée à la dynamique du capitalisme, à la société de l’accélération, à la révolution numérique, ne peut plus en revenir aux solutions traditionnelles qui étaient les siennes dans le cadre de l’Etat-Nation, mais qui n’a pas été assez hardie, assez courageuse, pour essayer d’en imaginer de nouvelles dans le cadre qui est pourtant le plus pertinent, celui de l’Union européenne.

La situation allemande est là pour nous le rappeler. Le courant socialiste hésite aujourd’hui entre deux stratégies. Je ne caricature pas ce qui se passe en Allemagne. Je ne méconnais ni les contraintes, ni les menaces qui naîtraient de nouvelles élections. Mais je sais le risque que fait courir l’impression d’indifférenciation entre la droite et gauche : celui de faire monter l’extrême droite, et d’abandonner notre base sociale au populisme et à la xénophobie.

Les grandes coalitions ne réussissent pas aux socialistes. Surtout quand ils ont le choix, comme ce fut le cas du SPD de Schröder, qui préféra gouverner avec Merkel plutôt que s’allier avec les Verts et Die Linke, installant pour longtemps la Chancelière et l’ordoliberalisme à la tête de l’Allemagne. Les théoriciens des gauches irréconciliables, des deux côtés du Rhin, nous condamnent à la défaite piteuse.

Je peux témoigner, depuis ma place de député européen, que la grande coalition ne réussit pas non plus aux sociaux-démocrates au Parlement de Strasbourg. A trop chercher le compromis à priori avec la droite, à trop vouloir composer avec ceux pour qui l’Europe est avant tout un grand marché régi par les seules lois de la concurrence et du profit, on aboutit trop souvent à des textes fades, qui nous obligent sans cesse à revoir nos objectifs à la baisse.

Il y a une partie de la famille sociale-démocrate qui rêve désormais à voix haute d’un scénario macronien de « dépassement des clivages », histoire de mettre en œuvre la politique du cercle de la raison libérale.

L’heure de la grande explication au sein du PSE est venue, et ce sujet sera aussi au cœur de notre congrès.

Quinquennat décevant, pratique du pouvoir inappropriée, crise de la social démocratie européenne.

Mais il y a aussi notre incapacité collective à changer, à nous moderniser, et cela depuis près de deux décennies. Aussi bien dans notre fonctionnement, dans nos procédures internes que dans notre façon de penser et de travailler ensemble. Nous avons trop souvent confondu la synthèse – qui suppose le respect des textes et des débats doctrinaux, les analyses fines, l’attention aux faits – avec les arrangements sur un coin de table au sortir d’un congrès.

Et puis surtout, nous n’avons pas été suffisamment vigilants face à l’offensive culturelle menée par les idéologues du néolibéralisme qui, eux, ont toujours pris la vie de l’esprit au sérieux ; qui faute de combattants, parviennent à imposer leur grille de lecture du monde et leur vocabulaire. Le travail devient un coût, les usagers des clients, les cotisations des charges, l’action politique se dilue dans la gouvernance.

Cette trop grande porosité à l’air du temps, à ce que nous appelions jadis l’idéologie dominante, a conduit certains d’entre nous à rejoindre les rangs de ceux qui se croient modernes parce que le monde les change plus qu’ils ne changent le monde. Qui pensent malin de trianguler, c’est à dire de braconner sur les terres de la droite, et qui singent Tony Blair avec vingt ans de retard.

On nous dit que le monde a changé. Oui, le monde a changé ! Mais de ce changement, on ne retient trop souvent que ce qui ressort de la dynamique nouvelle et apparemment irrépressible du capitalisme, alors qu’il faudrait surtout observer la gravité des crises qu’elle engendre et la vigueur des mouvements de contestation qu’elle suscite. Une vigueur parfois désordonnée, mais qui constitue un puissant carburant pour ceux qui n’ont pas renoncé à lui donner un débouché politique concret.

Oui, le monde a changé, et la gauche moderne c’est celle qui se nourrit et s’inspire des luttes nouvelles qui s’organisent, souvent d’ailleurs au niveau mondial, et qui épouse la cause écologique sous toutes ces formes, dénonce les risques des méga accords commerciaux, se mobilise contre l’évasion fiscale, contre l’invasion publicitaire et contre l’uniformité culturelle. Autant de combats qui sont des points d’appui importants, et qui remettent en scène la confrontation séculaire entre la multitude et les possédants.

Voilà des exemples inspirants pour nous. Mais on peut même aller moins loin. Le paradoxe c’est que localement nous sommes moins timorés et plus imaginatifs que lorsque nous exerçons le pouvoir d’Etat.

Aujourd’hui, les collectivités locales socialistes expérimentent les circuits courts et le produire local, les territoires zéro chômeur, le revenu de base, et bien d’autres choses encore : autant de résistances à la société de marché !

Pour reprendre la distinction célèbre de Lionel Jospin, il nous revient de contrarier l’emprise progressive de

la société de marché et sa volonté de marchandiser le monde et les hommes jusque dans leur vie personnelle. Le combat le plus emblématique est celui contre les GAFA, qui nous enferment dans des algorithmes et nous font travailler gratuitement en exploitant nos données personnelles.

Ne rien abandonner de nos fondamentaux, se nourrir des luttes nouvelles, voilà la voie que nous devons emprunter pour redevenir le cœur battant de la gauche française.

C’est cette voie que je propose dans la motion dont j’ai l’honneur d’être le premier signataire et qui s’appuie aujourd’hui sur le soutien de plus de 1000 militants présents dans tous les départements.

Un rassemblement large, opéré au vu de tous, dépassant les querelles d’antan, pour tourner la page et jeter les bases du socialisme des temps nouveaux.

Une synthèse nouvelle, une synthèse de travail, une synthèse offensive.

Pour un socialisme à la hauteur des défis que nous lancent l’explosion des inégalités, les menaces du changement climatique, les conséquences ambivalentes de la révolution numérique sur nos libertés et sur le travail, la mise en mouvement des peuples du Sud par la misère, la guerre, la désertification.

Un socialisme qui se situe clairement dans l’opposition à l’illusion progressiste que représente Emmanuel Macron, une opposition sans adjectif. Responsable, constructif, pourquoi avoir besoin de le préciser? Nous ne l’avons jamais fait face à la droite. Or il n’y a plus que les complaisants et les naïfs qui prêtent encore à Macron et Philippe une fibre sociale démocrate.

Un socialisme qui se donne pour objectif prioritaire de renouer du corps central de la société (les ouvriers et les employés, du public et du privé, la jeunesse) qu’on ne saurait laisser au FN, et qui en tire les conséquences concrètes en terme programmatique. Le parti de tous les jours de la vie. Salaires, logement, services publics, égalité entre les territoires.

Un socialisme auquel rien de ce qui est à gauche n’est étranger et qui sait que le rassemblement des forces de transformation sociale, si difficile soit-il, reste la condition de la victoire.

1974-1981, 1993-1997. A chaque fois, les conditions du sursaut ont été les mêmes : l’union et l’espoir.

Il y a dans les caprices de Marianne, d’Alfred de Musset, une phrase que je ne résiste pas au plaisir de vous citer : « Marianne, vous êtes comme une rose du Bengale. Sans épine et sans parfum ».

Eh bien je souhaite que notre rose à nous soit d’une toute autre espèce. Que nous gardions les épines ; celles du combat contre la droite et l’extrême-droite. Que nous portions le parfum ; le parfum frais et enivrant de notre l’idéal.

http://ambitiondegagner.fr/

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