Hervé Le Bras, démographe et historien, s’est penché sur le vote Front national. Une enquête passionnante et surprenante, qui bouleverse nombre d’idées reçues.
TC: On lit votre livre un peu comme on déchiffrerait une énigme, le mystère du vote du Front national; et, comme les bons écrivains de thrillers, vous emmenez vos lecteurs sur de fausses pistes ou demi-fausses pistes.
Hervé Le Bras: Effectivement, au départ, il faut écarter des fausses pistes. Mon projet n’était pas de partir des discours politiques, comme on le fait le plus souvent, mais de chercher pourquoi les électeurs votaient ainsi et le faisaient avec constance. C’est ce que j’ai montré avec les vingt et une cartes qui ouvrent le livre. Cette constance, on ne peut pas l’imputer à du «mécontentement», pas pendant trente ans! Première fausse piste. La deuxième serait d’imputer ce vote à une tradition plus ancienne de vote d’extrême droite. Or, si l’on observe deux moments électoraux particuliers – le vote boulangiste (même si le général Boulanger n’était certainement pas un fasciste) et, plus près de nous, le vote poujadiste –, on ne distingue pas de corrélation. Et pourtant, ce vote Le Pen à plus de 12% surgit comme de nulle part en 1984, alors qu’aux Européennes de 1978, Le Pen était à 0,2%. Voilà donc les termes de l’énigme.
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