Six ans après le mouvement des « gilets jaunes », que reste-t-il des revendications pour plus de démocratie directe ? Laurence Morel, professeure de science politique à l’université de Lille1, et Gil Delannoi, professeur de théorie politique à Sciences Po Paris2, se sont penchés sur l’histoire de la législation directe en France et montrent combien le rapport que la classe politique a entretenu à son égard est ambivalent depuis la Révolution.
L’histoire française de la législation directe est surtout une histoire intellectuelle. Célèbre, parfois tristement, pour le référendum « d’en haut », révolutionnaire, bonapartiste puis gaulliste, la France s’est toujours montrée très réticente à l’introduction et à la pratique du référendum « d’en bas », initié par le peuple, bien qu’elle ait été la première à le théoriser. Le paradoxe français est d’ailleurs que le mouvement révolutionnaire, puis le courant socialiste, dont la réflexion sur la législation populaire a contribué au développement de la démocratie directe à l’étranger, en commençant par la Suisse, qui sera à la fin du XIXe siècle un modèle pour les populistes américains3, se sont avérés impuissants à faire la même chose dans leur propre pays.