« Déchéance de nationalité », « constitutionnalisation de l’état d’urgence », « expliquer le terrorisme, c’est déjà l’excuser », « tous pouvoirs à la police »… Que ces mots et ces déclarations d’intention soient à présent ceux d’un gouvernement de gauche devrait stupéfier. C’est tout de même le cas pour certains. Mais même ceux-là savent-ils vraiment comment « en un plomb vil l’or pur s’est-il changé » ? Que Jean Racine nous pardonne, mais l’Olympe n’a rien à voir dans cet affaissement des principes républicains les plus basiques.
Revenons un peu en arrière. Il y a plus de treize ans, mon livre Le Rappel à l’ordre. Enquête sur les nouveaux réactionnaires (Seuil, 2002) a fait scandale pour avoir constaté qu’un groupe important d’intellectuels et d’écrivains venus de l’extrême gauche étaient en train de passer, au nom de la découverte du « réel » – un vieux procédé rhétorique quand on « vire sa cuti », et qui peut justifier toutes les conversions, quel que soit leur sens –, de la gueule de bois post-utopique à un désaveu plus ou moins franchement avoué de la société ouverte et égalitaire. Et de défendre l’idée d’une guerre de civilisations qui opposerait l’Occident et – déjà – l’« Islam ».