Dans cette troisième note d’une série sur l’immigration, Smaïn Laacher, sociologue et directeur de l’Observatoire du fait migratoire et de l’asile de la Fondation, analyse le lien entre le départ contraint, l’appartenance à une communauté d’origine, l’identité et la question récurrente du sol comme objet de propriété.
L’exil n’est ni une nostalgie ni une douleur, c’est inséparablement une expulsion (mettre en dehors de) et un mouvement (une série de déplacements dans le temps et dans l’espace et une modification du système de référence). Et c’est bien, à mes yeux, le clandestin qui incarne idéalement cette expulsion et ce mouvement. Ce n’est pas tant ce qu’il va trouver ailleurs, chez les autres, ou pour quelles raisons il quitte sa demeure, qui doit être soumis à l’examen et à l’analyse. Ce n’est faire injure à personne de dire que ce sont là autant de questions sans cesse posées et reposées et dont les réponses deviennent d’une banalité ennuyeuse. Ce qui mérite attention, c’est bien plutôt ce qui paraît a priori secondaire ou mineur. Partir de chez soi pour entrer par effraction dans la nation d’autrui et devenir un hôte abusif, c’est prendre la responsabilité de se défaire de ses liens et donc de se délier d’une identité totale (civile et sociale) reconnue. C’est aussi accepter, contraint et volontairement, d’être porté et de se transporter loin de sa terre.
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