Le 15 janvier 2018, Alain Bornarel, Dominique Gauzin-Müller et moi-même étions confrontés à l’inertie du monde politique, et affermis par la connaissance de la responsabilité des bâtisseurs dans le dérèglement global : 40% des émissions des gaz à effet de serre viennent du bâtiment. Nous avons lancé le Manifeste pour une Frugalité heureuse dans l’architecture et l’aménagement des territoires urbains et ruraux. En mars 2018, nous étions trois mille. En mars 2021, nous sommes douze mille. Frugalité vient de frux-frugis, le fruit en latin. La frugalité est « la récolte des fruits de la terre », selon l’acception étymologique d’Apulée. Elle est bonne quand elle est mesurée, heureuse pour la terre alors indemne et pour les êtres qui la font, justement rassasiés. Elle devient une ambition éthique des concepteurs et des réalisateurs de l’établissement humain pour qui la ressource (sa protection, son bon usage, sa bonne récolte) s’avère un enjeu essentiel. Elle est fructueuse (même racine étymologique) et se nourrit de richesse, comme l’entendait le Club de Rome avec Facteur 4 : abondance de solutions concrètes pour répondre spécifiquement à chaque projet : agir et penser, de mille manières, avec la nature, même en se mettant hors-la-loi si nécessaire pour faire avancer la loi ; conforts de conditions de vie pour tous et surtout pour le plus démunis, comme demandait avec engagement le rapport Brundtland et comme le confirment le New Urban Agenda d’HABITAT III ; profusions retrouvées des ambiances et des architectures adaptées aux différentes sociétés, aux cultures et aux climats si variés ; amples variétés des matérialités et des procédés constructifs qui, par des réponses adaptées et proportionnées, permettent d’écarter la triste monoculture contemporaine. La Frugalité́ Heureuse est un modus operandi, le mode d’action pour y parvenir. Elle ouvre une brèche dans la prison de l’actuel. La frugalité nourrit et donne sens à nos actes. La Frugalité Heureuse est « créative », car après un siècle de gabegie, elle requiert de l’inventivité pour se départir des désastreuses habitudes de nos ainés, sortir de la monoculture du béton et de l’intoxication technologique.