Gulsen Yildirim, secrétaire nationale à la justice
Nawel Oumer, secrétaire nationale à la protection des libertés publiques
La confiance des Français en la justice, fondamentale dans une société démocratique, ne cesse de s’éroder. En l’espace de dix ans, elle a reculé de 10 points, chutant de 63 % à 53 %. Il y a donc urgence à réagir et à porter une vraie ambition en ce domaine. Hélas, le gouvernement Castex n’apporte pas de réponses crédibles sur ce sujet essentiel.
La confiance suppose tout d’abord de défendre l’institution judiciaire contre des attaques infondées de responsables politiques notamment suite à la condamnation d’un ancien président de la République. Que connaissent-ils d’un dossier pour dire que la condamnation est sévère pour un dossier faible ? Face à ces attaques, le président de la République, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, et le garde des Sceaux ont fait le choix du silence plutôt que de la défense. Comment avoir confiance si, au plus haut niveau de l’État, on laisse lancer le discrédit sur une décision rendue par un tribunal ?
Au lieu de protéger l’institution judiciaire, le garde des Sceaux a préféré présenter la semaine dernière un projet de loi intitulé « confiance dans l’institution judiciaire », un projet sans grande ambition. Or la confiance ne se décrète pas par de simples mots.
Elle suppose d’avoir une vision globale de la justice. Si la justice pénale doit être renforcée, la justice civile, certes moins médiatique, est au centre de la vie des Français. Le contentieux civil représente chaque année 2,2 millions contre 800 000 décisions pénales. Or le projet de loi ne comprend aucune disposition qui puisse restaurer la confiance envers cette justice du quotidien. Elle demeure sinistrée et oubliée. Comment avoir confiance en la justice lorsqu’il faut attendre des mois voire des années pour avoir une réponse judiciaire à un simple problème de voisinage ou de responsabilité civile ?
Il en va de même de la justice commerciale, sociale ou administrative.
De plus, la question du budget est cruciale pour rétablir la confiance dans l’institution judiciaire. Aucune réforme ne sera en mesure d’améliorer l’accès au droit, la protection des libertés fondamentales et plus largement la qualité de la justice, notamment sa rapidité, tant que la France demeurera à la traîne de l’Union européenne pour les moyens qu’elle lui consacre.
Sur ce point, l’augmentation du budget de la justice doit se faire parallèlement à une évaluation des politiques publiques et par la limitation de nouvelles réformes qui absorbent une grande partie de ses budgets. Elle doit aussi s’accompagner d’une diminution de la charge de travail en traitant certains dossiers autrement ou bien ailleurs que devant les tribunaux. Les modes alternatifs au règlement judiciaire des conflits doivent être promus avec efficacité.
Enfin, il n’est que temps de parachever l’indépendance de la justice en gravant dans la Constitution l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature dans la nomination des procureurs.
C’est à ces conditions qu’une justice, garante des libertés individuelles et collectives, et plaçant le citoyen au cœur des préoccupations, pourra retrouver la confiance du justiciable.
– Jeudi 11 mars 2021