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Marianne - La gauche ne sait plus penser le progrès (Marcel Gauchet)

Le rédacteur en chef de la revue "le Débat" vient de signer "Comprendre le malheur français" (Stock). Il s'interroge sur notre difficulté collective - et singulièrement celle des progressistes - à penser le progrès.

Marianne : Que reste-t-il de l'idée de progrès dans la vie politique française aujourd'hui ?

Marcel Gauchet : Il suffit de regarder ce qui se dessine à l'approche du début de la campagne présidentielle : l'offre politique se répartit entre plusieurs discours qui ont un point commun - leur adhésion enthousiaste à la même utopie technologique. Ils vont tous, peu ou prou, nous vanter la magie de l'économie numérique et les promesses de l'ubérisation. Sans parler des bienfaits des nouvelles technologies pour régler le problème scolaire.

Et c'est mal ?

Non, pas du tout, mais c'est à côté des attentes des citoyens. Le plaidoyer hypertechnologique ne peut pas constituer un horizon mobilisateur pour un pays qui a le plus grand mal à s'adapter à la mondialisation et recherche un projet qui fasse sens par rapport à ce qu'il est. Les avancées biotechnologiques et médicales, par exemple, sont inouïes et admirables. Mais le progrès n'est pas la somme de tous les progrès. Le progrès, c'est autre chose : nous héritons de la deuxième moitié du siècle des Lumières (et notamment d'un auteur comme Condorcet) une idée exigeante et complète du progrès, comme amélioration matérielle et morale du genre humain. Or, ces deux améliorations ne sont pas entièrement superposables.

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