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Pascal Engel : « Non Giorgio Agamben, on peut lutter contre le terrorisme sans perdre notre liberté »

On a souvent constaté que certaines doctrines typiquement réactionnaires étaient partagées par la pensée révolutionnaire. Ainsi le rejet des droits de l’homme, le relativisme et l’historicisme, le refus de la démocratie formelle et de la raison abstraite ont été autant des composantes de la pensée marxiste que de celle des « antimodernes » et des « anti-Lumières ». La pensée postmoderne, qui se veut ultra-individualiste et antiautoritaire, partage avec la pensée réactionnaire nombre de thèses : le culturalisme relativiste, l’anti-rationalisme et le primat de l’émotion, le refus de la démocratie libérale ou l’idée que le droit n’est qu’un travestissement des rapports de force. Le relativisme s’appliquait autrefois aux valeurs morales. Il s’est étendu aux valeurs intellectuelles, comme la vérité et l’objectivité. Celles-ci ne se donnent plus que sous des « régimes de vérité » : on leur fait subir une diète. Sans doute est-ce la raison de la fascination exercée sur la gauche contemporaine par des auteurs jadis jugés réactionnaires comme Nietzsche, qui soupçonnait la volonté de savoir de masquer celle de pouvoir ou Carl Schmitt, qui reprenait à Barrès la distinction de l’ami et de l’ennemi, pour ne rien dire de Heidegger. Par un jeu de bascule, au moment même où ces penseurs devenaient les incontournables de la pensée radicale, les principes de la pensée traditionnellement progressiste – tels le respect des valeurs universelles de vérité et de justice – sont devenus des thématiques conservatrices. En va-t-il des idées comme du climat, qui nous fait aller à la plage en décembre et grelotter en mai ?

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