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La Vie des Idées - Aux urnes, financiers !

Ce que la crise a révélé, dit W. Streeck, c’est le divorce consommé de longue main entre la démocratie et le capitalisme. Ce dernier s’est tourné depuis les années 1980 vers les marchés financiers et l’endettement n’a fait que masquer le plus longtemps possible la rupture. Seule issue, selon l’auteur de ce noir diagnostic : la sortie de l’euro.

Recensé : Wolfgang Streeck, Du temps acheté. La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique, Paris, Gallimard, traduit de l’allemand par Frédéric Joly, 2014 [2013], 400 p., 29 €.

Qui décide en démocratie ? Le peuple, aimerait-on croire. Les marchés, se désespèrent les adversaires des politiques d’austérité. C’est à l’aune de cette opposition qu’a souvent été lue, dans la presse, l’élection récente de Syriza en Grèce, comme un test grandeur nature du conflit politique qui divise l’Europe depuis 2010, avant les prochaines élections à venir en Espagne à l’automne 2015. Soit la démocratie l’emportera, soit le règne des marchés triomphera. Aussi tranchée et caricaturale soit-elle, cette analyse résume assez bien l’ambiance du moment, faite de résignation politique et de révolte qui gronde. Pour le sociologue allemand Wolfgang Streeck, auteur de nombreux ouvrages sur le capitalisme et les institutions, cette confrontation est le résultat logique et sans surprise d’une crise commencée dans les années 1970, lorsque capitalisme et démocratie ont cessé de faire route ensemble. Le choc de 2008 est donc moins un point de départ que le révélateur d’un déséquilibre structurel entre les revendications démocratiques et les impératifs des marchés. Pendant trente ans, divers subterfuges ont artificiellement fait croire à leur possible union, jusqu’à ce que les masques tombent : capitalisme et démocratie sont parvenus à un tel point de contradiction que tout espoir de les concilier serait désormais vain.

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