Pour Yves Citton, notre présent est marqué du sceau de l’insoutenable : insoutenables ces discours de crise qui justifient les injustices ; insoutenables ces injustices ; mais insoutenable surtout notre mode de vie. Alors que faire ? Renverser, dit-il…
Dans quel présent vivons-nous ? La question ne cesse de nous hanter, sans trouver de réponse satisfaisante, puisqu’elle fait retour, toujours. Crise est le nom qui sert à qualifier couramment ce retour, sans que l’on sache bien de quoi l’on parle. D’abord parce que si notre présent est celui d’une crise, on peut se demander de quoi il y a crise : économique, morale, politique, axiologique voire anthropologique. Une crise ou des crises ? L’usage du singulier, la crise, semble faire rideau de fumée qui escamote la question. Mais tout le monde, ou presque, s’accorde sur le fait qu’il y a bien crise. L’évidence mérite d’être interrogée. Qu’est-ce qu’une crise qui dure depuis trente ou quarante ans ? Une manière d’être caractéristique d’un système, c’est-à-dire un régime. Crise est sans doute l’opérateur d’un régime politique et économique de domination qui constate le caractère insupportable du moment présent et s’efforce de le faire admettre en entretenant le sentiment illusoire de la sortie de crise, du rétablissement, plus ou moins proche, du patient en le perpétuant dans son état. « Il serait temps de s’apercevoir du leurre qui anime toute référence à « la crise », et qui en fait l’opérateur de pression le plus massif déployé dans nos sociétés actuelles. » (p. 93-94). Telle est l’une des fins que vise Yves Citton dans le livre qu’il publie aujourd’hui, fruit d’une réflexion qui est partie d’un travail collectif animé notamment au sein de la revue Multitudes.
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