La thèse des économistes libéraux selon laquelle les réformes du marché du travail permettent de lutter contre le chômage a perdu de sa superbe, en raison des contre-performances de la flexibilité de l’emploi. Elle laisse place à une autre thèse, selon laquelle ces réformes réduiraient les inégalités dans l’emploi, ou ce qu’il est convenu d’appeler la « segmentation du marché du travail ». D’où vient cette thèse ? Est-elle empiriquement fondée ?
Les tenants de l’économie dominante justifient la dérégulation de l’emploi par une analyse singulière de la segmentation de l’emploi. Que certains travailleurs soient exposés à des trajectoires d’emploi précaires tandis que d’autre parviennent à faire carrière dans leur entreprise ou leur profession serait le résultat de régulations « rigides » (inscrites par exemple dans notre volumineux code du travail) ou de contraintes institutionnelles au mieux inutiles (nos coûteuses cotisations sociales). Cette analyse a été d’abord formulée dans un ouvrage d’Assar Lindbeck et Dennis Snower imputant ces raideurs du marché aux « insiders », les travailleurs stables, qui auraient surprotégé leur contrat de travail. Le maillon faible de l’emploi, les outsiders, les précaires, devraient donc leur sort à ces insiders, CDI et autres fonctionnaires, ayant fait le choix de défendre leur propre carrière au détriment des travailleurs plus fragiles 1.
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